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Petit billet d'humeur sur les championnats LARGE CA-SE qui se sont déroulés ce dimanche 16 juin 2019 à Tomblaine...

Les cinq actes de Tomblaine

Le héros éponyme de l’excellent film « Forest Gump » incarné par le génialissime Tom Hanks déclare à un moment donné : « Maman disait toujours, la vie, c’est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber. ».

Il faut croire qu’il en va de même pour l’athlétisme. On se rend à une compétition, et il est souvent impossible d’en prévoir les résultats, tant les paramètres sont nombreux, et j’avoue que cette glorieuse incertitude du sport constitue l’un des charmes de ces journées où s’enchaînent les épreuves aux quatre coins d’un stade qui ne demande qu’à vibrer aux rythmes des performances des uns et des autres.

Il y a eu cinq actes dans la pièce de théâtre « Championnats LARGE CA-SE » qui s’est déroulée ce dimanche ensoleillé au magnifique stade "Raymond Petit de Tomblaine" dans la banlieue verte nancéenne.

Le premier acte fut une apothéose, que dis-je : un couronnement. Celui du cadet ibalien Julien DUBUS qui fit une pierre trois coups sur l’épreuve si exigeante du 400m haies en établissant un nouveau record personnel en 55’’98, en remportant le titre chez les cadets et en se qualifiant pour les futurs championnats de France qui se dérouleront début juillet à Angers.

Entrainé par « notre » Marion, Julien n’a pas réussi que ces « trois coups ». Il a surtout procuré à son entourage, que ce soient ses parents, son entraîneur, son copain d’entrainement Enzo, Michèle et moi-même, une émotion indicible que seul le sport sait apporter. La formule « on en a rêvé, il l’a fait » s’applique parfaitement pour décrire ce sentiment.

Impassible et concentré au départ, mais forcément un peu stressé intérieurement, Julien est parti dans le coup de pistolet sans se poser de questions, à l’attaque de ses propres limites, au couloir 7, presque en aveugle. Une course solide, encore perfectible sur sa seconde moitié, avec au bout un chrono qui descend d’une seconde et qui ouvre les portes des « France ».

De l’autre côté de la piste, dans les tribunes, là où on stresse tout autant, là où on espère, là où on croise les doigts, les rythmes cardiaques battent presque à l’unisson et les encouragements deviennent vite des cris de joie lorsqu’on constate ce qu’on n’osait espérer : le garçon a tout explosé et le feu d’artifice vient déjà d’être tiré alors qu’on en est qu’au premier acte. Chapeau l’artiste, tu es un grand, et personne ne pourra réellement en douter à moins d’être un profane dans le domaine athlétique.

J’ajouterai un mot sur la réaction de Julien : un sourire zen, simplement heureux, le sentiment du devoir accompli. Le triomphe discret du véritable champion qu’il est en train de devenir tranquillement.

A peine remis de ce premier acte tonitruant, nous voici directement plongé dans le deuxième acte dont le protagoniste est un autre cadet, « notre » Enzo RAUSCHER, qui va faire sa représentation sur la ligne droite du 100m.

De retour aux « affaires » la semaine dernière lors des « Alsace » à Mulhouse, Enzo essaye de retrouver une dynamique brutalement enrayée par une blessure occasionnée il y a quelques semaines par une réception peu académique à la perche. Le chrono de dimanche dernier fut certes encourageant, mais encore trop loin de la valeur de l’athlète. Qu’allait-il en être de celui de ce jour ?

Cette question, tout athlète se la pose, d’une façon ou d’une autre. Le chronomètre ne fait pas de sentiments, le mètre non plus, et la barre encore moins. On pourra toujours expliquer, justifier, essayer de comprendre, mais le verdict du résultat restera froid et impartial. C’est précisément à ce moment qu’il faut prendre cette donnée pour ce qu’elle est : un indicateur. Juste un chiffre pour tenter d’élucider ce grand mystère qu’est la capacité d’un athlète à délivrer une performance « x » le jour « y ». Et il y en a des paramètres qui agissent et qui interagissent : le physique, le mental, l’entrainement, la fréquence des compétitions, le stress, les enjeux, les concurrents, la couleur de la piste, le repas ingurgité trop tôt ou trop tard, et j’en oublie d’encore plus farfelus.

Le verdict du deuxième acte tomba rapidement, le temps d’avaler une ligne droite aussi impitoyable que la justice : 11’’68, soit 20 centièmes de plus que son record personnel, mais surtout 4 centièmes de trop pour pouvoir accéder aux finales proposées par l’organisateur. Si le deuxième acte s’arrête net pour le 100m, il présente par contre de réels signes d’espoir pour la suite de la saison, en remettant notre athlète dans une progression chronométrique qui ne doit pas faire négliger la nécessité de consolider ces facteurs essentiels que sont l’envie, le travail et la foi en soi-même. Cette alchimie s’opère en étroit partenariat d’abord avec l’entraineur, pièce maîtresse et incontournable, mais également avec les dirigeants et la famille. C’est ce paysage complet et harmonieux qui doit servir de cadre au développement  de l’athlète. Chaque partie possède son rôle et son utilité, tout en prenant bien garde de ne pas les mélanger.

Le troisième acte fut plus long, puisqu’il concerna le 800m féminin qui réunissait une bonne partie du gratin du grand quart nord-est de la France. J’aurais aimé qu’il dure moins longtemps, au moins quelques secondes, histoire de permettre à Marie GOUJON de grappiller quelques secondes sur son record établi la semaine dernière lorsqu’elle fut sacrée championne d’Alsace cadette du 800m, et d’ouvrir un peu plus la porte pour les France. Il faut croire qu’enchaîner deux courses de haut niveau en l’espace d’une semaine à cette époque de l’année est vraiment difficile puisque la plupart des concurrentes, y compris hélas Marie, ne purent profiter des belles conditions de course et finirent leur 800m avec un chrono inférieur à celui de dimanche dernier. Philippe, l’entraîneur de Marie, avait hésité à l’aligner sur la course du jour et regrettait d’avoir cédé à l’idée facile de profiter de la forme du moment pour enchainer cette course qui s’avéra être une course de trop.

2’21’’48 aujourd’hui contre 2’18’’57, ce ne sont peut-être que trois secondes, mais c’est un gouffre à ce niveau ! Au haut-niveau, les erreurs de programmation se payent cash, mais les athlètes possèdent la remarquable qualité d’être des battants et se redressent rapidement pour aller relever d’autres défis et poursuivre chacun la conquête de son propre graal. Le sourire vite arboré sur le visage de ma fille me dit que la messe n’est pas dite et que la saison n’est pas terminée. Chaque course est un enseignement et il n’y a de défaites que pour ceux qui ne savent pas en tirer les leçons.

Le quatrième acte de notre pièce athlétique fait apparaître deux personnages particulièrement attachants. Il ne s’agit pas de Don Quichotte et de Sancho Panza, mais il y a un peu de cela quelque part, surtout pour Don Quichotte incarné ici par notre espoir Saber HARA. A défaut de combattre le mal et de défendre l’opprimé, Saber veut conquérir les médailles, les titres et les chronos du demi-fond, vaste territoire dont Hamid son entraineur lui a indiqué l’épicentre : le 1500m.

Cette distance mythique ne souffre pas l’approximation car elle ne fait pas qu’appel aux seules qualités athlétiques, mais également à la science de la course que d’aucuns appellent la tactique. Cette dernière ne s’apprend pas dans les livres, mais au chapelet des courses que l’on égraine tout au long des années et des saisons de courses. C’est là qu’intervient l’entraineur qui doit savoir transmettre tantôt la sagesse, tantôt la folie, mais surtout des schémas de course à suivre au cordeau. La tâche n’est pas toujours aisée pour le jeune athlète, mais personne n’a dit que courir un 1500m était simple.

Saber s’élança dans la première course du 1500m, celle des cadors, au milieu de 17 concurrents, vite tassé dans un peloton dont il eut un peu de mal à s’extraire pour mener une course, certes un peu différente du schéma proposé par Hamid, mais qui l’amena à terminer sur un dernier 300m de feu pour finalement réussir à battre son record personnel de plus de deux secondes en 4’10’’21.

Trouvant comme à sa coutume un motif à insatisfaction, notre espoir regretta un ou deux faits de sa course, mais tomba vite d’accord avec son coach : la progression est constante et le potentiel est indiscutable. Il reste à continuer à travailler et à toujours croire en soi, quels que soient les aléas que la compétition sait poser sur le chemin souvent tortueux du sportif de haut niveau.

On en vient enfin au cinquième acte de ces championnats LARGE, celui du 200m de notre cadet Enzo RAUSCHER. Mi figue-mi raisin à l’issue de sa série du 100m, Enzo s’est laissé convaincre par Marion qu’il fallait courir le 200m sans pression, presque comme une séance d’entrainement. Déposer le cerveau au vestiaire, privilégier le plaisir et les sensations, laisser le stress du chrono aux autres, ne pas se soucier des couloirs à sa gauche et à sa droite, bref, juste kiffer sa course !  

23’’73 plus tard, premier à franchir la ligne d’arrivée malgré des jambes en lactique, Enzo arborait un sourire qui me fit chaud au cœur. Le sourire de quelqu’un qui sait que le meilleur est toujours devant lui. Le sourire de quelqu’un qui a pris du plaisir à gagner à nouveau une course, tout en réalisant un temps vraiment correct, avec en plus un vent légèrement défavorable. Enzo s’est relevé lors de ce cinquième acte du côté de Tomblaine, qu’on se le dise !

Voilà, la pièce est terminée. Les acteurs ont été applaudis, ne serait-ce que par nous. Ils n’ont pas triché sur la scène et ont donné le meilleur d’eux-mêmes. En tout cas, nous avons vibré au rythme de leurs prestations. Nul doute que nous viendrons assister à un maximum de leurs représentations, fussent-elles lointaines. Nous leur souhaitons d’ailleurs d’en faire le plus loin possible, synonyme de réussite. Julien va « jouer » du côté d’Angers et ses parents ainsi que Marion ont déjà réservé leurs places pour le show.

Après le salut des artistes, le vrai public, celui des connaisseurs, n’oublie pas de saluer ceux de l’ombre, les décorateurs et les costumiers. En athlétisme, on les appelle les entraineurs et les jurys. Je saluerai donc Marion et Hamid et je mesure à chaque entrainement et à chaque compétition le bonheur et la joie d’avoir de telles personnes au sein de notre club. Je saluerai, last but not least, ma chère et tendre, mais néanmoins présidenteMichèle – qui s’est proposée en tant que jury au poids afin de permettre à nos athlètes de pouvoir disputer leurs épreuves et produire ces cinq actes qui nous ont ravis, tous autant les uns que les autres.

Par ce billet qui faisait référence au théâtre, je souhaitais mettre en avant que le sport, tout comme l’art, sait également susciter de belles émotions et également élever l’âme de celles et ceux qui le pratiquent. Cela a en tout cas été le cas en ce dimanche sur les planches de Tomblaine.    

Les résultats : https://bases.athle.fr/asp.net/liste.aspx?frmbase=resultats&frmmode=1&frmespace=1439&frmcompetition=229302

 

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